
Résumé
Récital tragi-comique, ou l’impossible histoire d’un violoncelle et d’une mezzo-soprane
De répertoire pour le violoncelle et la voix de mezzo-soprane, il n’existe quasiment rien, si ce n’est le lied d’Ophélie, signé Chostakovitch.
Autant dire que le duo d’Albane et de Raphaël semblait mal engagé. Leur complicité a pourtant su triompher de cette limitation, et c’est en sortant des sentiers battus qu’ils ont inventé leur propre dialogue. Jouer avec les traditions, mélanger le savant et la chanson, se saisir d’un violoncelle comme d’une guitare, moduler voix de tête et voix de poitrine, pratiquer l’art de la rupture, en somme, a amené nos deux protagonistes à bâtir un programme en trois actes. Du baroque à la bossa en passant par la musique romantique britannique, ils proposent un voyage musical tour à tour espiègle et mélancolique. En adresse avec le public, ils le guident à travers les mutations historiques et les adaptations originales, l’entraînant à participer en chantant une pédale sur laquelle s’élaborent des variations irlandaises, ou en décortiquant un morceau pour en révéler la structure.
Seulement voilà ! En cette représentation, les choses ne sont pas comme d’habitude. Lui, est arrivé trop tôt ; elle, tout juste à l’heure ; il prend le public à témoin, elle le rappelle au professionnalisme ; il la couvre en jouant trop fort, elle lui cache son archet... il y a de la tension dans l’air, la communication ne passe plus, et l’on comprend qu’il n’est plus question de dépasser l’impossibilité initiale de leur duo, non... c’est maintenant leur histoire à eux qui périclite !
Ces quarante minutes de spectacle vont-elles se commuer en une mordante scène de rupture ? C’est sans compter l’invitation à la transformation qui les avaient réunis d’abord. De la même façon qu’ils ont
su emprunter ensemble de nouveaux chemins musicaux, le duo est appelé à métamorphoser sa relation pour en tracer des contours différents. De coups fourrés en règlements de compte cathartique, ils rompent avec la forme traditionnelle du concert pour dévoiler deux personnalités bien tranchées, dans des situations plus loufoques les unes que les autres – qui a l’avantage, entre un violoncelliste cloué sur sa chaise, et une chanteuse qui peut virevolter autour de lui, le faire disparaître derrière les volutes de sa robe, ou le chatouiller pendant les arpèges les plus complexes ? Pourtant, la puissance évocatrice du répertoire qu’ils sont bien forcés de jouer, et choisi du temps de l’entente, va leur rappeler ce qu’ils ont pu traverser de beau et de tendre.
Ruptures, donc, dans ce qu’elles peuvent engendrer de plus fertile, nous amenant là où l’on ne pensait jamais aller.
Parti pris musical
Albane Carrère et Raphaël Jouan se sont rencontrés en 2022 lors d’une tournée de concerts en quatuor et ont poursuivi leur collaboration en duo, par amour des styles musicaux où on ne les attend pas.
Autant à l’aise dans le style baroque que dans la bossa ou les airs traditionnels, ils ont constitué un répertoire d’arrangements éclectiques et surprenants qu’ils explorent avec passion. Le violoncelle de Raphaël Jouan devient tour à tour un continuo, une seconde voix lyrique, une guitare latine, tandis que la voix d’Albane Carrère incarne la sensibilité d’un opéra de Haendel, la pureté d’un air irlandais, ou le balancement rythmé d’une mélodie brésilienne. Un voyage intense au cœur des émotions !



